lundi 8 octobre 2012

Changement d'adresse

Le calme des vacances puis l'agitation de la rentrée, voilà ce qui explique l'absence de post récents sur ce blog. Mais le début du mois de septembre est déjà loin et une autre excuse complète la précédente : depuis quelques semaines, je préparais mon déménagement pour Le Monde.

Le quotidien, en retenant ma candidature à son projet d'Académie, m'ouvre (ainsi qu'aux 67 autres participants) les colonnes de son site web et de sa version papier, et m'offre une nouvelle adresse ou poster mes coups de coeur et mes blaques, mes délires et mes colères.

C'est désormais ici qu'il faudra donc cliquer pour me lire. Je vous laisse avec ce chouette CV vidéo, réalisé pour l'occasion par Sébastien Marqué. Merci à lui, merci à vous !

lundi 4 juin 2012

Le Rapporteur #4


Mardi 1er mai. Le rap français refait son retard sur le rap américain : Method Man est déjà fan de 1995 et Waka Flocka reprend un vieux classique de Booba.

Mercredi 2 mai. Battle long et pénible entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. C'est genre pathétique.

Jeudi 3 mai. En 2005, le député François Grosdidier attaque des groupes de rap qui n'existent plus pour « incitation au racisme » mais perd le procès. Il récidive l'année suivante en accusant Monsieur R d'« outrage aux bonnes moeurs » mais la justice donne raison au rappeur. Aujourd'hui, Grosdidier pourrait bien passer de l'autre côté de la barre pour la gestion catastrophique et malhonnête de la ville dont il est maire. Et perdre une troisième fois ?

Vendredi 4 mai. Après avoir colonisé la France, le concept Word Up s'exporte en Espagne. L'introduction face caméra des présentateurs est au moins aussi ridicule que celle des Rap Contenders, mais ici au moins la salle est remplie.

Samedi 5 mai. Piège de Freestyle est de retour après plusieurs mois sans nouvelles, mais le montage est bâclé et l'introduction laisse penser que le présentateur vote à droite. Une version mise à jour est rapidement mise en ligne, mais le vrai problème persiste pourtant : les rappeurs n'ont que 10 secondes pour s'exprimer.

Lundi 7 mai. La gauche au pouvoir pour Libération, c'est comme « 5 teilles de Balantines » pour Guizmo : c'est  normal. Grosse journée pour Orelsan, qui assiste à son procès face aux féministes en carton de Ni putes ni soumises avant de filer à l'Olympia pour le meilleur live rap français de tous les temps.

Mardi 8 mai. Surréaliste : Lino explique pourquoi il boycotte la sortie de son propre album.

Mercredi 9 mai. Le site n-da-hood disparaît et MC Jean Gab'1 devient le Marion Cotillard au rabais du rap français.

Jeudi 10. Akhenaton et l'Olympique de Marseille donnent raison à l'infâme Eric Zemmour, qui prétend que « le rap est une sous culture d'analphabète », en laissant passer une faute d'orthographe sur le maillot de la saison prochaine. Heureusement qu'il ne s'agit que du troisième maillot d'un club de milieu de tableau. Affaire n-da-hood : ça sent de plus en plus le coup promo foireux.

Samedi 12 mai. Twitter s'affole : La Fouine aurait signalé un compte désormais suspendu. Déjà pointé du doigt pour un dérapage en Belgique, c'est cette fois le rappeur qui « se fait bien niquer sa race » puisque le hashtag #lafouineestunebalance fait partie des sujets les plus abordés en France. ce jour là. Du coup, le dernier freestyle de Morsay passe inaperçu.

Dimanche 13 mai. La longue histoire d'amour entre le rap français et la censure s'éternise. Saison 12, épisode 8 : l'extrême droite n'a pas aimé le dernier clip de Kery James.

Lundi 14 mai. La longue histoire d'amour entre le rap français et le cinéma s'essouffle : La Fouine joue le premier rôle d'un court-métrage d'horreur. Dans lequel il ne dénonce d'ailleurs personne. Selon les Haterz, Sexion d'Assaut se serait de nouveau produit pour une bar mitzvah. Homophobes oui, antisémites non.

Mardi 15 mai. On est ravi de savoir que le magazine GQ s'interesse aux Rap Contenders, mais Philippe Nassif a deux saisons et quinze ans de retard. Parce que ça fait longtemps que le rap est sorti des cités, et que depuis sa punchline contre Meska, Pand'Or a choké.

Mercredi 16 mai. Taipan donne l'interview la plus chiante de sa vie malgré une ou deux réponses bien senties. Joli tee-shirt, au passage. Le festival de Cannes s'ouvre sans Morsay, dont le film est pourtant nominé si l'on en croit ce qui est inscrit au dos de son DVD.

Jeudi 17 mai. Booba ne vient pas rapper cette année sur la croisette. Mais tant pis, c'est Eva Longoria qui s'en charge. Tony Parker peut avoir honte, son ex-femme se débrouille mieux que lui.

Dimanche 20 mai. Malgré son équipe de rêve, Paris n'est pas champion

Mardi 22 mai. Malgré son casting de rêve, Canal Street n'est pas drôle. Aucun rapport : il y aurait eu de vraies armes sur le tournage d'un clip de Booba. Le contraire aurait été étonnant.

Dimanche 27 mai. Le festival de Cannes se termine. Déception : Morsay n'y a finalement pas mis les pieds.

Mardi 29 mai. Ah, ça y est ! Morsay monte enfin les marches.

Mercredi 30 mai. Il n'y a définitivement qu'un seul et unique boss du rap game : 56 000 euros le feat, 500 000 euros la signature.

Retrouvez les rapporteurs des mois de janvier, février et mars.

mercredi 30 mai 2012

Le voyage à Nantes (version censurée)


Samedi 26 mai, 09h00. Une quinzaine de graffeurs se réunissent sur un mur laissé à leur disposition par la ville de Nantes pour réaliser une immense fresque. Pas de lettrages alambiqués ni de persos colorés cette fois, mais juste une question : « où sont les gens du voyage à Nantes ? » Simple, lisible, drôle et provocant. Trop sans doute.

Parce que cette preuve d'une culture alternative et indépendante fait tâche pour certains alors que la campagne de promotion d'un Voyage à Nantes prometteur bat son plein. Pour la mairie déjà, qui préfère l'art quand il est propre et subventionné, mais peut-être aussi pour les organisateurs de l'évènement, toujours embarrassé par la présence de Roms au pied de l'une des oeuvres. Roms et gens du voyage n'ont rien à voir, mais un bon jeu de mot vaut sans doute un petit raccourci. « La question fait  aussi référence à la situation des gens du voyage en général. On les installe au bord des routes ou à côté des déchetteries » précisent de toute façon les graffeurs, qui ont  surtout choisi cette phrase équivoque pour « faire réagir les gens ».

Mardi 29 mai, 09h00. Tout juste rentré du long week-end de Pentecôte, des agents de la ville de Nantes viennent grossièrement recouvrir chacune des lettres de peinture grise. Censure ? Partout, on s'en défend. Le voyage à Nantes n'est « au courant de rien », l'association Pick Up Production, qui gère ce genre de murs légaux, assure qu'elle n'a pas été concertée, alors que la mairie, pourtant directement impliquée, promet simplement « d'ouvrir une enquête ». Le graffiti est effacé, mais on ne sait pas pourquoi car personne n'en assume la responsabilité. Drôle de réaction.

La blague se transforme donc en polémique et la question initiale mérite d'être prolongée: où sont les gens du voyage à Nantes, et qu'a t-on fait de notre liberté d'expression ?

[MISE A JOUR] Jeudi 31 mai, 19h00. Après deux jours de silence et « d'enquête », la mairie, qui parlait ce matin dans la presse d'un « bug », a subitement retrouvé les raisons qui l'ont poussé a effacer cette peinture gênante. Selon elle, cette phrase « ne correspond en rien à la démarche artistique pour laquelle ce mur est réservé ».

En décidant à la place des artistes ce qui est un graffiti de ce qui n'est est pas un, la mairie de Nantes se pose donc en garante des règles d'un art qu'elle n'a pourtant longtemps considéré qu'avec le prisme de la répression. On peut au passage se demander pourquoi cette autre peinture, au moins aussi impertinente, n'avait pas été effacé à l'époque. Cette réponse tardive, maladroite et incohérente a toutefois un mérite : elle prouve qu'il s'agit bel et bien d'un acte de censure.




mercredi 23 mai 2012

La chatte à ta mère la pute

Boutique Truand de la galère, puces de Clignancourt, 19 mai 2012.
Agréable et souriant, sympathique mais timide, Morsay prend volontier la pose à côté des admirateurs et des touristes de passage dans sa boutique de Clignancourt. « Celle là, c'est pour tous les rageux que tu connais mon pote. » Qui l'eût cru ?  Pas moi en tout cas ! 

Vulgaire et ridicule dans ses premières vidéos, Morsay s'est pourtant peu à peu transformé en acteur majeur du rap français des années 10. Comment ? En osant un rap pénible, en écoulant des tee-shirts surréalistes et en diffusant des vidéos insensées. Moqué pour ses insultes constantes et son français approximatif, Morsay est devenu un phénomène sans le vouloir. Il a voulu jouer avec Internet, mais c'est finalement Internet qui joue avec lui.

Car de sa rencontre avec Swagg Man, sorte de Mickael Vendetta au rabais, jusqu'à sa très sérieuse candidature à l'élection présidentielle, qui nous a longtemps tenu en haleine, en passant bien sûr par son long métrage pathétique, devenu un classique instantané, Morsay s'est construit un personnage tellement incroyable qu'on peine parfois à démêler fiction et réalité, humour et second degré.

Sa sincérité lors de son interview avec Mouloud Achour, puis sa sympathie lors de mon passage à Clignancourt, m'ont toutefois convaincu de son authenticité. Ses frasques désormais ne me font plus rire ni pitié, elles m'interrogent. Que va t-il (re)devenir quand on ne s'intéressera plus à lui ? Quelle trace va t-il laisser dans le rap français ? Celle d'un clown amusant et d'un acteur grotesque sans doute plus que celle d'un rappeur accompli. Mais qu'importe la manière après tout : Morsay fait déjà bel et bien partie de la légende du rap français.


lundi 2 avril 2012

Le rapporteur #3

La polémique Orelsan atteint son point d'orgue.

Vendredi 2 mars. Endemol pense à Sully Séfil pour la prochaine saison de Secret Story. Lequel décline poliment l'invitation. Dommage, il avait deux secrets : Booba parle de moi dans un morceau et j'ai raté mon retour dans le rap français. On doute que Rohff puisse être invité à sa place.

Samedi 4 mars. L'industrie du disque change d'avis et offre deux victoires de la musique à Orelsan, qu'elle avait pourtant censuré deux auparavant suite à une polémique ridicule. Alors, c'est qui la sale pute ? Pas Rost en tout cas, qui lâche François Hollande à cause de son manque d'implication pour les quartiers populaires. Ce qui va peut-être lui laisser le temps de se remettre à la musique.

Lundi 5 mars. A force de faire référence à The Wire, le rap français est progressivement devenu une série comme les autres. Résumé du dernier épisode : Cortex demande Lady Gaga en mariage en direct de Miami/Seine. 

Jeudi 8 mars. Il est arrivé tête de roumain, il est reparti zgueg dans les mains : l'homme qui avait sectionné au cutter le pénis de l'amant de sa femme devra purger 13 ans de prison. Morsay, toujours candidat à l'élection présidentielle, fête quant à lui le "disque d'or" de son DVD (100 000 ventes, source fiable) sur les Champs-Elysées en compagnie de Swagg Man, qu'on croyait pourtant mort depuis la dernière saison.

Lundi 12 mars. Les Haterz cassent le mythe : selon un commentaire sous l'un de leur statut facebook, Morsay et Zehef jouent la comédie. Sneazzy West préfère piétiner la table du plateau du grand journal plutôt que d'entendre ça.

Mardi 13 mars. On s'attendait à un match serré entre  les trous de Bâle et le Bayern Munich  mais les Allemands l'emportent finalement 7-0. Pas de suspense non plus entre 1995 et la Sexion d'Assaut : 65 000 ventes à 8000 en une semaine pour les homophobes. Sodomie toujours :  Brandao qualifie l'OM pour les quarts de finale de la Ligue des Champions grâce à un contrôle du dos. Busta Flex aime ça.

Mercredi 14 mars. Les Cahiers du Cinéma rationalisent La Vengance à leur tour.

Jeudi 15 mars. Le dernier clip de Taipan laissait penser qu'il voulait jouer avec le grand public. Son dernier statut facebook prouve plutôt qu'il veut jouer avec le feu.

Vendredi 16 mars. Sur leurs polos des impacts de balles forment leurs logos : excellent papier du magazine Vice sur le mythe des polos Brice dans le rap français de la fin des années 90. Et si le meilleur magazine de rap français était Québécois ?

Mardi 20 mars. Kery James a compris la pauvreté de la presse rap en France mais a encore des progrès à faire en communication : après s'être confié à Youssoupha lors d'une interview en trois parties, il s'adresse solennellement à ses fans dans une interminable vidéo où il apparaît seul devant un mur. Orelsan est programmé sur le festival Beauregard d'Hérouville Saint-Clair, ville dont il est originaire. Toujours utile d'avoir de la famille à la mairie. Wrung brouille les frontières entre freestyle vidéo et spot de pub. Malin.

Mercredi 21 mars. Bonne nouvelle concernant la prochaine mixtape de Grems : elle va sortir en physique. Mauvaise nouvelle : il faudra acheter Tsugi pour l'avoir.

Jeudi 22 mars. Après plus de 30 heures de siège, les forces de l'ordre pénètrent enfin dans l'appartement du tueur au scooter. Naja aurait réglé ça plus rapidement. Les Haters et les Cahiers du Cinéma l'avaient annoncé : Morsay assume encore un peu plus son personnage et part à la poursuite des illuminati sur Canal Street avant de donner une interview surréaliste à Mouloud. Et si on avait créé un monstre ? Confirmation enfin : Taipan et le grand public, c'était de l'intox.

Samedi 24 mars. Sur le plateau de Laurent Ruquier, Natacha Polony reproche a Youssoupha d'être trop bavard dans ses morceaux. On attend avec impatience qu'elle demande à un rockeur d'arrêter de jouer de la guitare.

Lundi 26 mars. « L'Etat est de loin le plus grand proxénéte, bon biz propre et net » [Sat, 1997]. « DSK mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée » [Libé, 2012]

Mercredi 28 mars. Zoxea découvre que l'industrie du disque est en crise. Suicide médiatique et politique de Didier Robert, président UMP du conseil régional de la Réunion, qui retire la subvention du festival Sakifo parce qu'il programme Orelsan, artiste qui appelle selon lui « à la haine, au viol, à la pédophilie ». Les joueurs d'orgue de l'île en profitent pour se placer discrètement. Pour la marche funèbre ?

Jeudi 29 mars. Alkpote découvre à son tour que l'industrie du disque est en crise mais se console aussitôt avec le dernier bon mot de Séguela, qui visiblement connaît ses classiques.

Vendredi 30 mars. Booba soulève 500 kilos de fonte.

Retrouvez les rapporteurs des mois de janvier et février. Rendez-vous en mai pour l'actualité du mois d'avril.

lundi 26 mars 2012

Areno Jaz - Alias Darryl Zeuja


Sa nonchalance et sa discrétion ont d'abord éclipsé son talent. Peu présent sur le premier EP de 1995 (La source), groupe avec lequel il est sorti de l'anonymat l'an dernier, Areno Jaz est longtemps resté dans l'ombre de ses camarades Nekfeu, Sneazzy West ou Alpha Wann, hyperactifs et plus à l'aise dans les médias et sur les réseaux sociaux. Aussi pouvait-on penser que la sortie de son EP solo en février dernier n'allait rien donner. On se trompait. Areno Jaz y raconte sa vie décousue de graffeur torturé sur des productions boom bap jazzy qui collent à son flow traînant. Il se paye même le luxe de trouver la recette du refrain parfait (« J'vends de la rime ») et d'inviter de talentueux inconnus (« Trouve moi » feat. NCA crew). Une émancipation surprenante qui force à écouter d'une autre oreille les couplets qu'il lâche sur La suite, très bon deuxième EP de son groupe sortie quelques semaines après le sien.

Chronique rédigée pour le magazine Pulsomatic du mois d'avril.




jeudi 22 mars 2012

Gangsters et gentlemen


Le meilleur du catch et le pire de la bande dessinée réunis pour le plus français des shows à l'américaine : ainsi pourrait-on résumer les performances improbables et délirantes des catcheurs à moustaches. Deux grandes feuilles de papiers, deux thèmes choisis par le public, un arbitre, quelques pom-pom girls, de l'encre, de la peinture, de la salive et du sang : voilà le contexte dans lequel ils tentent de remporter l'adhésion du public qui vote pour son catcheur préféré à la fin de chaque combat. Si la qualité des dessins est évidemment l'un des principaux critères, le charisme et les supers pouvoirs des héros masqués ont également leur importance. Ce qui justifie l'utilisation des coups les plus tordus sous les yeux d'un arbitre souvent corrompu. Catcheurs à la petite vertu donc mais surtout au grand coeur: leur prochain gala sera donné en soutien aux Requins Marteaux, maison d'édition spécialisée dans la bande dessinée.

Prochain gala de catch à moustaches ce samedi 24 mars à 21h à La Roche/Yon. Papier publié en version courte (avec un titre malheureusement... différent) dans le Pulsomatic du mois d'avril.



mardi 20 mars 2012

Le rap français va bien #7


Plusieurs mois se sont écoulés et de nombreux albums sont sortis depuis le dernier épisode. De quoi alimenter une émission de radio d'une heure, la fameuse Bagarre, pendant laquelle nous nous sommes concentrés sur les meilleurs morceaux sortis depuis le début de l'année 2012.



LA PLAYLIST DE L'EMISSION

Fixpen Sill - Train de vie : La très bonne surprise de la fin de l'année 2011 pour commencer. Le talent et l'énergie des rappeurs de l'Entourage avec l'esprit torturé et les revendications en plus. Et ça vient de Nantes !
 
1995 - Comment dire : On pensait Sneazzy West définitivement perdu pour le rap, on se trompait peut-être. Solide et cohérent, le deuxième EP de 1995 porte finalement plutôt bien son nom.

Areno Jaz - J'vends de la rime : Plus discret que les autres membres de 1995 mais au moins aussi talentueux. Chronique plus longue de son EP à venir dans les tout prochains jours.

Némir et Deen Burbigo - Ailleurs : Et pourtant je ne supporte pas l'accent du sud.

Klub des loosers - Au commencement : Morceau de conclusion d'un album d'une rare cohérence. Fuzati assure les textes et les productions en se concentrant sur le thème improbable de la reproduction. Bon pour les oreilles, mauvais pour la libido. 

Sexion d'Assaut (avec Dry) - Assez : Ils ont trouvé la recette du refrain-qui-tue et ne la lâchent plus. Leur démarche d'ouverture au grand public est critiquable, certes, mais mieux vaut entendre Sexion d'Assaut que Manau dans les médias et les boites de nuit. Vivement le solo de Maître Gims, en survole au dessus de l'album.

Youssoupha - Les disques de mon père : Parler de son fils sur un sample de son père = concept multigénérationnel délirant. Youssoupha fait partie de la troisième générations de rappeurs français, celle qui porte cette musique là où elle devrait être depuis plus de 10 ans.

Disiz - Le poids d'un gravillon : Retraite anticipée, retour réussi : le rap français tient son Laure Manaudou.

LA PLAYLIST BONUS 
(parce que l'émission ne dure qu'une heure)

Pejmaxx - Calligraphie sur porcelaine : Sa plume et sa diction forcent à la comparaison avec Flynt et Booba. C'est plutôt un compliment.

Zoxea (avec Melopheelo et Dany Dan) - Show Time : Et si les rappeurs des années 90 réussissaient enfin à vieillir dans la musique ?

Al K-Pote - Gainzbeur : Toujours plus sale, vulgaire et surréaliste. Indéfendable devant une mère ou une petite copine, mais c'est précisément pour ça qu'on l'écoute.

Nakk et Dixon, Mokless, Médine, Jeff le Nerf, Youssoupha, REDK, Lino - Invincible : L'unité dans le rap français n'est pas qu'un vieux morceau de La Fouine, c'est aussi et surtout un concept dont on est très fan. Le couplet de Médine se passe de commentaires.

Pepso Stavinsky - Prête l'oreille : L'ambition légitime de faire parler de sa musique l'a sans doute plus influencé que son voyage à Rennes, et le rappeur français blanc le plus nonchalant est incontestablement Taipan. Mis à part ces deux détails, impossible de ne pas prêtez l'oreille comme Pepso nous le demande si gentiment.

Retrouvez toutes les autres Bagarre sur facebook et sur le site de Radio Prun.

mercredi 7 mars 2012

HIP OPsession X Presse Océan

Bref retour, comme l'an dernier, sur ma couverture du festival HIP OPsession pour le journal Presse Océan. L'occasion de remercier les organisateurs d'un festival toujours aussi riche et réussi ainsi que les responsables d'un journal qui me fait confiance et me laisse presque carte blanche. L'opportunité également de mettre un nom sur ces papiers qu'une histoire de contrat m'empêche toujours de signer. Vivement l'an prochain !

La nouveauté cette année : je me suis incrusté dans l'affiche.

L'un des juges du tremplin s'étant désisté au dernier moment, je me suis retrouvé à sa place le soir du concert. Information essentielle pour ma crédibilité dans le métier : j'ai rédigé ce papier AVANT de savoir que j'allais juger ! Et je n'ai finalement pas assisté au concert d'Ali, qui s'est déroulé pendant que nous désignions les vainqueurs du tremplin...

Mercredi 8 février : Kaalam fait rayonner calligraphie

Une page entière ou presque et une superbe photo : le papier est à la hauteur de la performance qu'il présente. La curiosité de l'un des rédacteurs en chef pour le light graff n'y est sans doute pas pour rien...


Son prochain album ne s'appellera pas « Gunz'N and Rocé » comme je l'ai inexplicablement écrit, mais « Gunz N'Rocé ». Il a parfaitement joué son rôle de parrain en étant présent à de nombreux évènements, dont le concert Demi Portion comme il le promet dans l'interview. Et il est passé par les studios de Prun pour la Bagarre  « rap et industrie du disque » !


Le seul papier signé ! De la main du rédacteur en chef en personne, pour me féliciter du « bon travail » sur cette double page qui ressemble d'ailleurs beaucoup à celle de l'an dernier. Toujours agréable d'être félicité, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que les autres papiers méritaient aussi une signature.

Bonus : « Nantes faites du bruit, la bête est lâchée ! »


Joli cliché d'une photographe de Presse Océan a qui j'ai demandé de venir à la dernière minute ou presque. Le travail de Mr Guep valait bien ça ! Double référence dans le titre : l'une accessible, l'autre un peu moins.


Un papier formaté « communiqué de presse ». Pas simple de présenter autant d'évènements en si peu de place aux lecteurs d'un média comme Presse Océan. La séance de dédicaces annoncée en fin de papier s'est plus ou moins mal terminée.


Oh la vilaine coquille dans le titre !

Mercredi 22 février : Le rap s'adresse aussi à eux

Un concert de rap pour enfants ni trop naïf ni trop sérieux, l'une des bonnes surprises de ce festival. Si bien que j'ai que repris le thème de l'enfance pour la Bagarre de la semaine suivante.


Philémon, fils de Tabu Ley Rochereau et donc frère de Youssoupha ! Si j'avais su plus tôt je lui en aurais parlé ! La photo fait partie de la série de portraits « Faces » de Mr Guep, dont il est question dans le papier du 14 février.

Samedi 25 février : HIP OPsession tire sa révérence 

Une jolie page pour terminer. Le programme du « Voyage à Nantes » n'étant pas encore dévoilé l'info sur le « parcours graffiti » est une exclu !


jeudi 1 mars 2012

Le rapporteur #2

Partouze de chiens errants.
Mercredi 1er février. Affaire du cadavre d'Hollywood : deux suspects sont activement recherchés par la police américaine.

Vendredi 3 février. La Fouine, qui voulait « amener le rap au JT de 20h », se fait griller par Youssoupha qui reçoit les honneurs du Grand Journal en compagnie de Laurence Ferrari. Laquelle en profite prouver aux amateurs de rap français réfractaires à TF1 qu'elle est bien la MILF la plus excitante du PAF.

Samedi 4 février. Gaïden et Yoshi remportent la 3eme édition du tremplin Buzz Booster. « C'est pas du vrai rap » proteste en vain, dans le public, l'ami débile d'un de leur concurrent du soir. Sur scène, Yoshi lui répond en freestyle pendant que Gaïden pointe le trophée dans sa direction et affiche un sourire moqueur. Leur DJ, derrière eux, est déjà trop éclaté pour réagir. Le débat est ouvert.

Lundi 6 février. Jacques Bompard (photo), qui ne veut pas de rap sa ville d'Orange, se justifie dans La Provence : « IAM est un groupe sectaire et intolérant, consternant de mauvais goût et de violence » explique le Maire, que la blague Coupe le cake n'a sans doute pas convaincu. « Nous préférons du philharmonique ou des chanteurs de variété plus populaires » croit bon d'ajouter l'humoriste, ancien du FN et du MPF. La prise illégal d'intérêt et les irrégularités dans la gestion des comptes de ta ville, c'était pour rire ça aussi ?

Mardi 7 février. La pochette qui circule sur Twitter confirme le manque d'inspiration des rappeurs de 1995, qui avait déjà sobrement intitulé leur deuxième album  « La Suite ».

Mercredi 8 février. Bonne nouvelle, ce n'était finalement pas le bonne pochette. Mauvaise nouvelle, la bonne est juste un peu moins pire. 

Vendredi 10 février. Taipan choisi le thème de la drogue pour la sortie d'un clip qui annonce son prochain projet sur son nouveau label, « Taipan dans le circuit ». Résultat : plus de clics avec ce son moyen qu'avec son album réussi. Le cannabis et l'ambition, c'est dangereux pour le talent. Nekfeu, lui, est déjà connu. Alors il fait croquer ses vieux potes.

Samedi 11 février. Mokobé, qui a un flow de merde même quand il parle, est invité sur le plateau de Laurent Ruquier et de ses deux conasses. Audrey Pulvar, qui croit dur comme fer que tous les rappeurs sont misogynes, cite un de ses vieux morceaux pour faire croire qu'elle a de la culture et du goût. Perdu, le titre en question est une daube sans nom.

Dimanche 12 février. Le string de Sneazzy West éclipse le nouveau clip de 1995. Sexion d'Assaut n'a pas souhaité réagir.

Lundi 13 février. L'album d'Areno Jaz éclipse celui de Sneazzy West. L'abcdr du son a souhaité réagir.

Mardi 14 février. Guizmo est de retour dans le game avec le nouvel hymne de la Saint-Valentin du rap français. Orelsan n'a pas souhaité réagir.

Mercredi 15 février. Les Haterz nous habillent pour l'été.

Vendredi 17 février. En pleine séance de dédicaces dans un magasin de chaussures, Nekfeu est interpellé par un vendeur. « Y'a des traces de marqueurs sur la table  » s'insurge le malheureux. « Je sais dessiner sans déborder lui répond le prodige, mais là ça fait deux heures que je signe des autographes alors me casse pas les couilles pour deux traces de feutre sur ta tables à 5€ ». 1-0. Quelques minutes plus tard en direct à la radio : « Fuck ce magasin de vendus. Ils ont laissés des petits jeunes en galère dehors alors qu'il n'y a personne dans leur magasin de merde». 2-0.

Dimanche 19 février. Après Withney Houston, une autre diva nous quitte : le décès de Larusso est annoncé sur Twitter. Elle est pourtant encore en vie lorsque elle dément l'info dans la foulée. La rançon du succès, sans doute. 

Mercredi 22 février. L'histoire d'amour plus ou moins compliquée entre le rap français et le cinéma se poursuit : Taipan publie sur facebook la bande annonce surréaliste d'un film qu'il écrit et dans lequel il joue avec ses potes. Sans doute pour faire concurrence à Morsay, dont La vengeance sort dans 5 jours malgré un complot international

Jeudi 23 février. La meilleure défense, c'est l'attaque : en 2002, Booba rappait que la politique n'était qu'une « partouze de chiens errants ». 10 ans plus tard, Orelsan écrit la même chose en y mettant les formes pour les lecteurs de Télérama.

Vendredi 24 février. Des chercheurs français prouvent que le sperme et le rap ont au moins un point commun. L'étude ne précise malheureusement pas si les semences de Busta Flex et Philémon faisaient partie de l'échantillon étudié. Orelsan finit par réagir à la provocation de Guizmo en dégainant un joli tee-shirt. Un peu de patience, il faut attendre 355 jours pour le porter. Textile toujours, après Oxmo Puccino c'est Sneazzy West et Nekfeu qui apparaissent dans une vidéo Nike. D'ailleurs le hip hop attend toujours que la marque lui dise merci. Tout ça n'intéresse pas Mathilde Seignier qui se ridiculise en voulant faire monter Joey Starr sur la scène des Césars. Faut dire aussi qu'ils sont amis de longue date.

Dimanche 26 février. Coup dur pour Morsay dont le film est diffusé en intégralité sur Youtube la veille de sa sortie en DVD. La vidéo est cependant retirée après quelques heures. Sans doute une intervention de Marine Le Pen.

Lundi 27 février. Coup de théâtre le jour de la sortie de son DVD : Morsay annonce sa candidature à l'élection présidentielle. Fermeture des banques, abolition du visa et légalisation du cannabis sont les points principaux d'un programme qui fait l'impasse sur les problématique liées à l'éducation nationale. Et 500 moins 40, on ne sait toujours pas combien ça fait.

Mercredi 29 février. « Une France sans problème, que des solutions » : c'est le slogan de campagne de Cortex qui se lance lui aussi dans la course à l'Elysée avec comme principales revendications l'excision des femmes pratiquant l'adultère et l'autorisation pour les prisonniers à faire appel à des prostitués. Le très sérieux candidat milite également pour que les homosexuels puissent adopter des SDF. Pas de problème qu'on vous dit, que des solutions. D'ailleurs Gaïden poste son nouveau clip. « On  peut dire que c'est du vrai rap » assure l'un de ses fans dans les commentaires. Le débat est donc clos.

Retrouvez aussi le rapporteur du mois de janvier. Rendez-vous en avril pour l'actualité du mois de mars !

jeudi 23 février 2012

Un mois après Noir Désir

Youssoupha, cheveux sur la langue.

J'avais promis de publier cette interview avant la sortie du dernier album de Youssoupha. Cette fois c'est donc décidé : je ne promettrai plus rien. Certaines questions perdent une partie de leur valeur maintenant que Noir Désir y a en partie répondu, mais la rhétorique et les réflexions de Youssoupha, bavard et pertinent, sont aussi agréables à lire qu'à écouter. Pas le temps de poser la première question, d'ailleurs, qu'il y répondait déjà...

Ça fait un bon moment que je n'ai pas fait d'interview. C'est avec toi que je l'ai faite au téléphone hier ? Avant ça, franchement... Pendant la préparation de Noir Désir je ne faisais pas d'interview si je n'avais rien à dire. Parce que des fois, vraiment, tu n'as rien à raconter. Qu'est ce que tu veux que je raconte, que j'ai eu un enfant ? Pourquoi pas, mais bon...

Je voulais justement t'en parler parce que la paternité est un sujet qui revient souvent dans tes textes.

J'ai hérité cette sale manie d'un chanteur que j'aime beaucoup qui s'appelle Renaud. Quand tu regardes sa discographie, il raconte d'abord qu'il rêve d'un enfant. Quand il rencontre sa femme, il lui demande si elle peut lui en faire un. Quand sa fille est née, il lui fait une chanson, puis une autre quand elle devient adolescente, une autre quand elle perd sa virginité, et il a été jusqu'à faire des chansons sur ses beaux-fils... Ça me touchait et ça correspondait à ma sensation. J'ai eu un enfant juste après la sortie de Sur les chemins du retour et j'en parle donc forcément dans Noir Désir. Je donne les réponses à toutes les questions que je me posais.

C'est le genre de sujets que les rappeurs ont parfois du mal à aborder.
 
J'avais envie d'aller vers quelque chose de nouveau parce que j'ai beaucoup changé. Ce n'est pas que je ne suis plus le même, mais je suis papa, j'ai 30 ans, deux albums derrière moi... Noir Désir parle d'amour. Le titre qui ouvre l'album s'appelle d'ailleurs « L'amour ». Je me suis demandé pourquoi on n'en parlait jamais alors que c'est le sentiment le plus fort. Je crois que c'est le mot qui revient le plus dans cet album. Avec ses nuances bien sûr : la mort des gens, le désamour des gens, l'amour ou le désamour d'un enfant, l'amour dans la vie de couple, l'amour d'un art, d'une musique... Pour revenir à la question, c'est n'est donc pas qu'une histoire de paternité, c'est beaucoup plus fort que ça. C'est une émulation de sentiments.

  
Est-ce que c'est cette forme de maturité qui t'a poussé à appeler l'album Noir Désir, qui est une référence à la culture populaire, plutôt que Négritude, qui aurait été une référence plus risquée ? [Le premier album de Youssoupha aurait du s'appeler Négritude, en référence à l'œuvre d'Aimé Césaire, mais était finalement sorti sous le nom d' « À chaque frère »]

C'est peut être pas faux, mais je ne l'ai pas réfléchi d'une manière aussi mécanique. Quand j'ai eu l'idée d'appeler mon album Noir Désir, je ressentais la signification mais je ne savais pas spécialement l'expliquer. Je voyais la notion d'amour, je voyais la notion d'Afrique, je voyais le côté militant qui pouvait faire référence au groupe, je voyais le culture populaire, je voyais la France, parce que Noir Désir est un grand groupe de rock français, je voyais la formule poétique... Il y a une charge sémantique super épaisse qui me convenait quelle que soit le sens dans laquelle on la prend. J'avais besoin de connaître le titre de cet album pour mieux l'écrire.

Est-ce qu'on peut tirer un trait sur Négritude ou est-ce que tu gardes l'envie d'appeler l'un de tes futurs album comme ça ?

C'est possible parce que c'est un thème qui revient vraiment souvent. Il y a un titre qui s'appelle « Noir Désir », avec un sample du groupe africain Staff Benda Bilili, qui parle justement de la condition de l'homme noir. Il y a des thèmes qu'on porte dans son ADN et dont on arrive pas à se dessaisir. Parler de négritude n'est pas une stratégie marketing, j'ai vraiment l'impression que ça vient spontanément. Et pourtant, le paradoxe, c'est que l'album ne parle pas tant que ça d'Afrique. Mais malgré tout, à un moment ou un autre, on revient à cette notion de culture noire et de négritude.

Tu sembles assumer de plus en plus l'influence de la musique africaine et ton père. [Tabu Ley Rochereau, artiste majeur de la rumba congolaise]

Je n'ai pas grandi avec mon père, que j'ai toujours aimé et respecté énormément, mais on peut dire pour résumer que je n'ai donc pas l'habitude qu'il me manque. Je pense à lui, mais passer deux ou trois ans sans le voir est presque une habitude. J'ai été amené à plus le voir récemment parce qu'il avait des problèmes de santé et on a réappris à se connaître. Ça m'a donné envie de me replonger dans sa musique, que je connaissais déjà, mais avec l'oreille du mélomane et de l'artiste que je suis devenu. J'ai trouvé ça encore plus fascinant et ça m'a donné des pistes pour l'album. Je me suis rendu compte que c'est un prodige absolu que je ne serai jamais. Ça fait un peu « mégalo familial », mais je suis vraiment fan de lui. Et quel que soit les difficultés ou la complexité des rapports que j'ai avec mon père, je me dis que ça ne me regarde pas mon fils : c'est son grand père et c'est tout. Le rapprochement avec mon père et la naissance de mon fils m'ont donné un équilibre qui m'a permis de refonder mes bases artistiques et mon inspiration.


Est-ce que tu vas assumer ces racines au point de faire un morceau avec lui ou de rapper en lingala sur l'album ?

Rapper en Lingala je ne l'ai pas fait sur l'album, mais je l'ai fait sur un featuring récent. Pour le featuring avec lui je ne réponds pas à la question, mais je vous laisse deviner... [Youssoupha rap effectivement sur un sample de son père dans « Les disques de mon père »]
Dans « Menace de mort » tu demandes : « Qui prétend faire du rap sans prendre position ? ». Beaucoup de rappeurs le font pourtant. Quel regard portes tu sur le rap français ?

Le rap n'est pas une musique comme une autre. Elle a cette particularité d'être le porte voix de communautés de gens sous représentés politiquement et médiatiquement. On a donc une sorte de responsabilité et de message à porter ou à relayer. On ne peut pas faire comme si tout allait bien. Il faut de tout pour faire un rap, mais il faut qu'on assume cette responsabilité. « Qui prétend faire du rap sans prendre position » est une phrase que j'ai repris à Rockin' Squat parce qu'elle m'a faite entrer dans le rap. Je ne rappais pas encore que j'avais déjà entendu ce précepte et je savais donc à quoi m'en tenir. Le jour ou je me serai ramolli sur mes positions, le jour ou je serai transparent sur la manière de m'engager, le jour ou je ne relaierai plus la voix de ceux qui n'en ont pas, alors je ne ferai plus de rap.

Beaucoup de fans de rap français arrêtent d'en écouter parce que la transition entre les anciens et les jeunes est compliquée. Je ne me reconnais pas d'en ce que fait La Fouine par exemple [question posée par Trez, moi hamdoulah ça va]. Comment entends-tu rapprocher les générations ?

Déjà, je suis un vrai passionné, un vrai bouzillé de rap français. Je respecte cette musique parce qu'elle a sauvé ma vie. Je ne peux pas cracher dessus, mais je déplore simplement qu'il n'y ait pas de rap de « gaillards » en France. Je vais me faire comprendre... Dans nos rapports aux médias, aux festivals et aux acteurs de l'industrie, par exemple, le rap s'est catégorisé comme une musique de môme. Quand j'ai commencé, vers 14 ou 15 ans, je faisais du rap d'adolescent. Aujourd'hui, j'ai passé le cap des 30 ans, je fais du rap d'un mec de 30 ans. Ce qui me saoule, malgré tout le respect que j'ai pour eux, c'est quand on est obligé de faire du rap pour les petits. Ça ma saoule d'autant plus qu'on a pas toujours besoin des les infantiliser ! J'en connais de 14 ans qui écoutent Led Zeppelin ou les Sages Po... Il faut arrêter de s'embarquer dans un jeunisme bête et méchant. La Sexion d'Assaut, que je respecte beaucoup, fait de la musique pour les jeunes parce qu'ils sont vraiment jeunes. Mais un ancien qui fait comme la Sexion d'Assaut, je trouve ça pathétique. J'essaie juste de ne pas me prendre pour ce que je ne suis pas. Pourquoi prendre une posture ? Fais du rap de ton âge ! Et j'ai toujours un peu déploré aussi que quand on devient « gaillard » le rap français passe forcément par des issues comme le jazz, comme mon frère Oxmo que j'aime beaucoup, ou le slam, comme Abd Al Malik que je respecte beaucoup aussi. Je n'aime pas les complexes qui font que le rap doit forcément être sous la tutelle d'une musique « plus respectable » pour devenir adulte. Non, le rap c'est bien !

Pas de bling bling il brille déjà.

Est-ce que le problème ne vient pas aussi du fait qu'on n'est pas réussi à éduquer un public hip hop ?

Je déplore aussi qu'on n'est pas plus souvent un mélange des publics. Youssoupha, Oxmo Puccino, Sexion d'Assaut, La Fouine : tout ça c'est du rap. Il faut qu'on trouve une cohérence et qu'on le sublime pour que toutes les générations le reconnaissent. J'ai l'impression qu'avec le temps on intègre nous même que le rap c'est presque honteux. Il faut le chantonner, le mélanger a du slam, du jazz... Quand Joey Starr est passé chez Ruquier, un journaliste lui disait qu'il avait plusieurs cultures et que c'était dommage que l'album reste « rap rap » et qu'on ne ressente pas l'influence d'autres musiques. Mais c'est super bidon ! Est-ce que quand tu reçois William Sheller ou Indochine tu leurs dis que c'est dommage qu'il n'y ai pas de d'Afrika Bambaataa dans leur album ? On n'a pas besoin d'être sous tutelle. On rentre nous même dans un délire de sous-culture, comme dirait mon ami... Mais on est une culture forte et belle ! Le rap c'est beau, c'est sublime, c'est magnifique ! Il faut qu'on assume cette musique.

Tu fais finalement partie de la première génération de rappeurs qui va peut-être réussir à vieillir dans la musique. Rocé disait d'ailleurs dans son dernier album qu'il était « le seul trentenaire à rapper comme un adulte ». Maintenant, vous êtes au moins deux.

Je cite justement cette parole de Rocé dans le titre « J'ai changé ». Ce n'est pas une gloire particulière et ça ne veut pas que je suis plus intelligent que la moyenne, parce qu'il m'arrive aussi de dire des conneries, mais ça revient à dire ce que je disais tout à l'heure. Rapper comme un adulte, c'est évoluer avec son âge et son temps. Sinon on se ridiculise à se caricaturer dans une posture de jeunisme qui fait pitié. Nas et Jay-Z pourraient faire du Soulja Boy s'il le voulaient, ils ont l'argent et le carnet d'adresse. Mais ils ne le font pas parce que ce n'est pas leur rôle et qu'ils ont autre chose à apporter à leur courant musical. Aux USA, les gaillards de l'industrie connaissent leur rôle. Et si on ne comprend pas ce que fait Soulja Boy, les jeunes, eux, comprennent. Il ne faut pas qu'on les fasse complexer ou qu'ils deviennent aigri avec des messages du genre «le rap c'était mieux avant ».

Même si c'est de moins en moins vrai, j'ai souvent l'impression que le rap français manque d'unité. Tu as fais l'effort d'inviter plusieurs rappeurs sur le remix d'« Apprentissage ». Est-ce un calcul en terme d'image ou en terme d'unité du mouvement ?

Il y a un peu de ces deux raisons mais il y a aussi d'autres paramètres. Il y a déjà le rapport humain, parce que notre musique n'est pas super buzzé par les médias généralistes Si en plus on se casse les pieds entre nous... L'émulation entre aussi en compte. La performance est propre au rap, qui est né dans les battles. Écouter les autres rappeurs permet de progresser. Écouter l'album d'Orelsan pendant la fin de l'enregistrement de Noir Désir, par exemple, m'a donné la gouache. Et puis on ne peux pas nier qu'il y a aussi une notion de marketing. On est une industrie, donc on n'a pas forcément besoin de s'aimer pour travailler ensemble. Le public est demandeur de collaborations et se moque de nos états d'âmes et de nos égos. On a parfois trop tendance à regarder nos nombrils et à faire trop de calculs alors qu'on gagnerait tous à collaborer. Quand P. Diddy , 50 cent et Jay-Z font une collaboration, je ne pense pas qu'ils s'aiment vraiment et je ne pense pas qu'on puisse justifier d'un problème d'égo état donné que ce sont tous des multimillionnaires en dollars.

Concernant l'affaire Zemmour, tu as fais appel de la décision de la justice et tu as inclus le morceau « Menace de mort » dans l'album. Est-ce que ce n'est pas pas prendre le risque de réduire ta musique à cette polémique ?

C'est la raison pour laquelle au début je ne voulais pas faire appel, d'autant plus que la procédure est lourde et qu'elle a un coût. Mais j'ai mal vécu le fait d'avoir perdu parce que tous les gens qui étaient à l'audience étaient d'accords pour dire qu'on avait vraiment démontré l'absurdité de sa plainte. Son l'avocat était d'ailleurs à court d'arguments et même le procureur à pris position pour nous ! Je pensais vraiment que c'était injuste que quelqu'un qui parle mal d'autant de communauté et de groupes de gens puisse se permettre de se sentir blessé parce que quelqu'un dit qu'il fallait le faire taire. Je ne suis pas le seul à me sentir blessé par les propos qu'il a tenu. Perdre ce procès reste une incompréhension, alors peu importe ce que l'appel me coutera en terme d'argent et d'image.


Quand Zemmour dit que « la plupart des délinquants sont noirs et arabes », c'est un raisonnement par l'absurde. C'est quelqu'un de très intelligent et très cultivé qui sait que dans toutes les civilisations et à toutes les époques, les gens les plus défavorisés, qui sont souvent issus des immigrations les plus récentes, sont les gens qui tombent le plus facilement dans la délinquance. C'est un mécanisme vieux comme le monde qui n'a aucune corrélation avec la race, l'ethnie ou les origines. Il n'y avait pas d'immigration de noirs et d'arabes il y a 100 ans en France, mais il y avait quand même de la délinquance. C'était qui ? Les plus pauvres et les plus démunis ! C'est une question sociale et il en fait une question raciale et ethnique. 


On peut presque résumer les valeurs et les idées défendus dans cette polémique à un combat entre la gauche et la droite. Est-ce que ce procès peut devenir politique ?

Je sais qu'Éric Zemmour a parfois eu des tribunes lors de congrès et de colloques UMP. Moi, je travaille avec des associations et des collectifs, mais avec aucun parti politique en particulier malgré que j'ai souvent été sollicité. Ça m'est arrivé, par curiosité, d'assister à des meetings et je vais sans doute continuer à le faire pendant la campagne car je ne cache pas que je suis un peu perdu au niveau de mon vote. Concernant la polémique, oui il y a une dimension politique. Mais je ne suis pas plus de gauche que n'importe qui. Je défends simplement mes convictions, ma culture, et l'histoire des gens qui me ressemblent.

[Le manager commencer à nous faire signe qu'il est temps d'abréger l'interview] Impossible de ne pas te parler pour finir de la récente signature de Taipan sur ton label. Pourquoi lui ?

Parce qu'on me dit souvent que j'écris bien, mais lui écrit dix fois mieux que moi. Un jour il a dit « Mon pote Africain si tu m'entends, brûle ton tee-shirt Noir et fier...

être fier de sa race c'est un sale concept de blanc » !

J'ai saigné du nez ! Taipan c'est un agitateur, un gesteur d'opinion incroyable. Il me fascine. Il a une plume de malade. C'est pour moi la plus belle plume du rap français.

Ça fait plusieurs années qu'il enchaîne les promesses, mais il n'a encore rien concrétisé.

Je suis d'accord avec ça, et c'est peut-être sur là-dessus qu'on va essayer de l'aider. Par rapport à la consistance, à la communication et à la maitrise de son projet.

Son concept d'AFPAN rappelle un peu ton morceau « Rapporteur ».

Je ne peux plus faire de morceau comme ça quand je l'entends faire les AFPAN... Je le pousse a en refaire d'ailleurs. Il fait le flemmard, il faut que je l'engueule !

Est-ce que c'est toi qui a précipité son départ du label LZO ?

Non, il était déjà partie tacitement depuis des mois. Je respecte beaucoup LZO. C'est un label qui n'a pas toujours l'occasion de pousser ses artistes au mieux mais qui est très respectable.

[Le manager s'impatiente vraiment] Je voulais te parler du Congo aussi.

J'ai suivi l'actualité, mais pour ne rien te cacher ma source la plus fiable reste encore Twitter. J'en ai marre de France 24, de LCI et de Itélé pour tous les évènements qui se passent en Afrique. Les gens sur place rendent compte de la situation avec le hashtag #RDC2011. J'espère qu'il n'y aura pas de trouble car j'ai de la famille là-bas. C'est malheureusement le lot de trop d'élections en Afrique.

Et ce délire de Geste, qu'est-ce que ça signifie ?

La signification est rare et difficile à trouver parce que le geste n'a pas de définition. Tu gestes seulement. Et quant tu gestes, tu le sauras toi même. Tu diras, « oh, je geste ».


Interview réalisée à l'occasion du passage de Youssoupha au festival Tissé Métisse à Nantes le 10 décembre 2011. Merci à Trez (Akalmy/Bass Addict), qui a posé certaines questions, ainsi qu'à Ladislas et Didoo (La Formule/Just44hiphop) pour les images.

Le titre fait référence à la série d'articles que j'ai publié avant la sortie de l'album :  41 jours avant Noir Désir, 33 jours avant Noir Désir, 20 jours avant Noir Désir et enfin Noir Désir.