mercredi 30 mai 2012

Le voyage à Nantes (version censurée)


Samedi 26 mai, 09h00. Une quinzaine de graffeurs se réunissent sur un mur laissé à leur disposition par la ville de Nantes pour réaliser une immense fresque. Pas de lettrages alambiqués ni de persos colorés cette fois, mais juste une question : « où sont les gens du voyage à Nantes ? » Simple, lisible, drôle et provocant. Trop sans doute.

Parce que cette preuve d'une culture alternative et indépendante fait tâche pour certains alors que la campagne de promotion d'un Voyage à Nantes prometteur bat son plein. Pour la mairie déjà, qui préfère l'art quand il est propre et subventionné, mais peut-être aussi pour les organisateurs de l'évènement, toujours embarrassé par la présence de Roms au pied de l'une des oeuvres. Roms et gens du voyage n'ont rien à voir, mais un bon jeu de mot vaut sans doute un petit raccourci. « La question fait  aussi référence à la situation des gens du voyage en général. On les installe au bord des routes ou à côté des déchetteries » précisent de toute façon les graffeurs, qui ont  surtout choisi cette phrase équivoque pour « faire réagir les gens ».

Mardi 29 mai, 09h00. Tout juste rentré du long week-end de Pentecôte, des agents de la ville de Nantes viennent grossièrement recouvrir chacune des lettres de peinture grise. Censure ? Partout, on s'en défend. Le voyage à Nantes n'est « au courant de rien », l'association Pick Up Production, qui gère ce genre de murs légaux, assure qu'elle n'a pas été concertée, alors que la mairie, pourtant directement impliquée, promet simplement « d'ouvrir une enquête ». Le graffiti est effacé, mais on ne sait pas pourquoi car personne n'en assume la responsabilité. Drôle de réaction.

La blague se transforme donc en polémique et la question initiale mérite d'être prolongée: où sont les gens du voyage à Nantes, et qu'a t-on fait de notre liberté d'expression ?

[MISE A JOUR] Jeudi 31 mai, 19h00. Après deux jours de silence et « d'enquête », la mairie, qui parlait ce matin dans la presse d'un « bug », a subitement retrouvé les raisons qui l'ont poussé a effacer cette peinture gênante. Selon elle, cette phrase « ne correspond en rien à la démarche artistique pour laquelle ce mur est réservé ».

En décidant à la place des artistes ce qui est un graffiti de ce qui n'est est pas un, la mairie de Nantes se pose donc en garante des règles d'un art qu'elle n'a pourtant longtemps considéré qu'avec le prisme de la répression. On peut au passage se demander pourquoi cette autre peinture, au moins aussi impertinente, n'avait pas été effacé à l'époque. Cette réponse tardive, maladroite et incohérente a toutefois un mérite : elle prouve qu'il s'agit bel et bien d'un acte de censure.




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