lundi 8 octobre 2012

Changement d'adresse

Le calme des vacances puis l'agitation de la rentrée, voilà ce qui explique l'absence de post récents sur ce blog. Mais le début du mois de septembre est déjà loin et une autre excuse complète la précédente : depuis quelques semaines, je préparais mon déménagement pour Le Monde.

Le quotidien, en retenant ma candidature à son projet d'Académie, m'ouvre (ainsi qu'aux 67 autres participants) les colonnes de son site web et de sa version papier, et m'offre une nouvelle adresse ou poster mes coups de coeur et mes blaques, mes délires et mes colères.

C'est désormais ici qu'il faudra donc cliquer pour me lire. Je vous laisse avec ce chouette CV vidéo, réalisé pour l'occasion par Sébastien Marqué. Merci à lui, merci à vous !

lundi 4 juin 2012

Le Rapporteur #4


Mardi 1er mai. Le rap français refait son retard sur le rap américain : Method Man est déjà fan de 1995 et Waka Flocka reprend un vieux classique de Booba.

Mercredi 2 mai. Battle long et pénible entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. C'est genre pathétique.

Jeudi 3 mai. En 2005, le député François Grosdidier attaque des groupes de rap qui n'existent plus pour « incitation au racisme » mais perd le procès. Il récidive l'année suivante en accusant Monsieur R d'« outrage aux bonnes moeurs » mais la justice donne raison au rappeur. Aujourd'hui, Grosdidier pourrait bien passer de l'autre côté de la barre pour la gestion catastrophique et malhonnête de la ville dont il est maire. Et perdre une troisième fois ?

Vendredi 4 mai. Après avoir colonisé la France, le concept Word Up s'exporte en Espagne. L'introduction face caméra des présentateurs est au moins aussi ridicule que celle des Rap Contenders, mais ici au moins la salle est remplie.

Samedi 5 mai. Piège de Freestyle est de retour après plusieurs mois sans nouvelles, mais le montage est bâclé et l'introduction laisse penser que le présentateur vote à droite. Une version mise à jour est rapidement mise en ligne, mais le vrai problème persiste pourtant : les rappeurs n'ont que 10 secondes pour s'exprimer.

Lundi 7 mai. La gauche au pouvoir pour Libération, c'est comme « 5 teilles de Balantines » pour Guizmo : c'est  normal. Grosse journée pour Orelsan, qui assiste à son procès face aux féministes en carton de Ni putes ni soumises avant de filer à l'Olympia pour le meilleur live rap français de tous les temps.

Mardi 8 mai. Surréaliste : Lino explique pourquoi il boycotte la sortie de son propre album.

Mercredi 9 mai. Le site n-da-hood disparaît et MC Jean Gab'1 devient le Marion Cotillard au rabais du rap français.

Jeudi 10. Akhenaton et l'Olympique de Marseille donnent raison à l'infâme Eric Zemmour, qui prétend que « le rap est une sous culture d'analphabète », en laissant passer une faute d'orthographe sur le maillot de la saison prochaine. Heureusement qu'il ne s'agit que du troisième maillot d'un club de milieu de tableau. Affaire n-da-hood : ça sent de plus en plus le coup promo foireux.

Samedi 12 mai. Twitter s'affole : La Fouine aurait signalé un compte désormais suspendu. Déjà pointé du doigt pour un dérapage en Belgique, c'est cette fois le rappeur qui « se fait bien niquer sa race » puisque le hashtag #lafouineestunebalance fait partie des sujets les plus abordés en France. ce jour là. Du coup, le dernier freestyle de Morsay passe inaperçu.

Dimanche 13 mai. La longue histoire d'amour entre le rap français et la censure s'éternise. Saison 12, épisode 8 : l'extrême droite n'a pas aimé le dernier clip de Kery James.

Lundi 14 mai. La longue histoire d'amour entre le rap français et le cinéma s'essouffle : La Fouine joue le premier rôle d'un court-métrage d'horreur. Dans lequel il ne dénonce d'ailleurs personne. Selon les Haterz, Sexion d'Assaut se serait de nouveau produit pour une bar mitzvah. Homophobes oui, antisémites non.

Mardi 15 mai. On est ravi de savoir que le magazine GQ s'interesse aux Rap Contenders, mais Philippe Nassif a deux saisons et quinze ans de retard. Parce que ça fait longtemps que le rap est sorti des cités, et que depuis sa punchline contre Meska, Pand'Or a choké.

Mercredi 16 mai. Taipan donne l'interview la plus chiante de sa vie malgré une ou deux réponses bien senties. Joli tee-shirt, au passage. Le festival de Cannes s'ouvre sans Morsay, dont le film est pourtant nominé si l'on en croit ce qui est inscrit au dos de son DVD.

Jeudi 17 mai. Booba ne vient pas rapper cette année sur la croisette. Mais tant pis, c'est Eva Longoria qui s'en charge. Tony Parker peut avoir honte, son ex-femme se débrouille mieux que lui.

Dimanche 20 mai. Malgré son équipe de rêve, Paris n'est pas champion

Mardi 22 mai. Malgré son casting de rêve, Canal Street n'est pas drôle. Aucun rapport : il y aurait eu de vraies armes sur le tournage d'un clip de Booba. Le contraire aurait été étonnant.

Dimanche 27 mai. Le festival de Cannes se termine. Déception : Morsay n'y a finalement pas mis les pieds.

Mardi 29 mai. Ah, ça y est ! Morsay monte enfin les marches.

Mercredi 30 mai. Il n'y a définitivement qu'un seul et unique boss du rap game : 56 000 euros le feat, 500 000 euros la signature.

Retrouvez les rapporteurs des mois de janvier, février et mars.

mercredi 30 mai 2012

Le voyage à Nantes (version censurée)


Samedi 26 mai, 09h00. Une quinzaine de graffeurs se réunissent sur un mur laissé à leur disposition par la ville de Nantes pour réaliser une immense fresque. Pas de lettrages alambiqués ni de persos colorés cette fois, mais juste une question : « où sont les gens du voyage à Nantes ? » Simple, lisible, drôle et provocant. Trop sans doute.

Parce que cette preuve d'une culture alternative et indépendante fait tâche pour certains alors que la campagne de promotion d'un Voyage à Nantes prometteur bat son plein. Pour la mairie déjà, qui préfère l'art quand il est propre et subventionné, mais peut-être aussi pour les organisateurs de l'évènement, toujours embarrassé par la présence de Roms au pied de l'une des oeuvres. Roms et gens du voyage n'ont rien à voir, mais un bon jeu de mot vaut sans doute un petit raccourci. « La question fait  aussi référence à la situation des gens du voyage en général. On les installe au bord des routes ou à côté des déchetteries » précisent de toute façon les graffeurs, qui ont  surtout choisi cette phrase équivoque pour « faire réagir les gens ».

Mardi 29 mai, 09h00. Tout juste rentré du long week-end de Pentecôte, des agents de la ville de Nantes viennent grossièrement recouvrir chacune des lettres de peinture grise. Censure ? Partout, on s'en défend. Le voyage à Nantes n'est « au courant de rien », l'association Pick Up Production, qui gère ce genre de murs légaux, assure qu'elle n'a pas été concertée, alors que la mairie, pourtant directement impliquée, promet simplement « d'ouvrir une enquête ». Le graffiti est effacé, mais on ne sait pas pourquoi car personne n'en assume la responsabilité. Drôle de réaction.

La blague se transforme donc en polémique et la question initiale mérite d'être prolongée: où sont les gens du voyage à Nantes, et qu'a t-on fait de notre liberté d'expression ?

[MISE A JOUR] Jeudi 31 mai, 19h00. Après deux jours de silence et « d'enquête », la mairie, qui parlait ce matin dans la presse d'un « bug », a subitement retrouvé les raisons qui l'ont poussé a effacer cette peinture gênante. Selon elle, cette phrase « ne correspond en rien à la démarche artistique pour laquelle ce mur est réservé ».

En décidant à la place des artistes ce qui est un graffiti de ce qui n'est est pas un, la mairie de Nantes se pose donc en garante des règles d'un art qu'elle n'a pourtant longtemps considéré qu'avec le prisme de la répression. On peut au passage se demander pourquoi cette autre peinture, au moins aussi impertinente, n'avait pas été effacé à l'époque. Cette réponse tardive, maladroite et incohérente a toutefois un mérite : elle prouve qu'il s'agit bel et bien d'un acte de censure.




mercredi 23 mai 2012

La chatte à ta mère la pute

Boutique Truand de la galère, puces de Clignancourt, 19 mai 2012.
Agréable et souriant, sympathique mais timide, Morsay prend volontier la pose à côté des admirateurs et des touristes de passage dans sa boutique de Clignancourt. « Celle là, c'est pour tous les rageux que tu connais mon pote. » Qui l'eût cru ?  Pas moi en tout cas ! 

Vulgaire et ridicule dans ses premières vidéos, Morsay s'est pourtant peu à peu transformé en acteur majeur du rap français des années 10. Comment ? En osant un rap pénible, en écoulant des tee-shirts surréalistes et en diffusant des vidéos insensées. Moqué pour ses insultes constantes et son français approximatif, Morsay est devenu un phénomène sans le vouloir. Il a voulu jouer avec Internet, mais c'est finalement Internet qui joue avec lui.

Car de sa rencontre avec Swagg Man, sorte de Mickael Vendetta au rabais, jusqu'à sa très sérieuse candidature à l'élection présidentielle, qui nous a longtemps tenu en haleine, en passant bien sûr par son long métrage pathétique, devenu un classique instantané, Morsay s'est construit un personnage tellement incroyable qu'on peine parfois à démêler fiction et réalité, humour et second degré.

Sa sincérité lors de son interview avec Mouloud Achour, puis sa sympathie lors de mon passage à Clignancourt, m'ont toutefois convaincu de son authenticité. Ses frasques désormais ne me font plus rire ni pitié, elles m'interrogent. Que va t-il (re)devenir quand on ne s'intéressera plus à lui ? Quelle trace va t-il laisser dans le rap français ? Celle d'un clown amusant et d'un acteur grotesque sans doute plus que celle d'un rappeur accompli. Mais qu'importe la manière après tout : Morsay fait déjà bel et bien partie de la légende du rap français.


lundi 2 avril 2012

Le rapporteur #3

La polémique Orelsan atteint son point d'orgue.

Vendredi 2 mars. Endemol pense à Sully Séfil pour la prochaine saison de Secret Story. Lequel décline poliment l'invitation. Dommage, il avait deux secrets : Booba parle de moi dans un morceau et j'ai raté mon retour dans le rap français. On doute que Rohff puisse être invité à sa place.

Samedi 4 mars. L'industrie du disque change d'avis et offre deux victoires de la musique à Orelsan, qu'elle avait pourtant censuré deux auparavant suite à une polémique ridicule. Alors, c'est qui la sale pute ? Pas Rost en tout cas, qui lâche François Hollande à cause de son manque d'implication pour les quartiers populaires. Ce qui va peut-être lui laisser le temps de se remettre à la musique.

Lundi 5 mars. A force de faire référence à The Wire, le rap français est progressivement devenu une série comme les autres. Résumé du dernier épisode : Cortex demande Lady Gaga en mariage en direct de Miami/Seine. 

Jeudi 8 mars. Il est arrivé tête de roumain, il est reparti zgueg dans les mains : l'homme qui avait sectionné au cutter le pénis de l'amant de sa femme devra purger 13 ans de prison. Morsay, toujours candidat à l'élection présidentielle, fête quant à lui le "disque d'or" de son DVD (100 000 ventes, source fiable) sur les Champs-Elysées en compagnie de Swagg Man, qu'on croyait pourtant mort depuis la dernière saison.

Lundi 12 mars. Les Haterz cassent le mythe : selon un commentaire sous l'un de leur statut facebook, Morsay et Zehef jouent la comédie. Sneazzy West préfère piétiner la table du plateau du grand journal plutôt que d'entendre ça.

Mardi 13 mars. On s'attendait à un match serré entre  les trous de Bâle et le Bayern Munich  mais les Allemands l'emportent finalement 7-0. Pas de suspense non plus entre 1995 et la Sexion d'Assaut : 65 000 ventes à 8000 en une semaine pour les homophobes. Sodomie toujours :  Brandao qualifie l'OM pour les quarts de finale de la Ligue des Champions grâce à un contrôle du dos. Busta Flex aime ça.

Mercredi 14 mars. Les Cahiers du Cinéma rationalisent La Vengance à leur tour.

Jeudi 15 mars. Le dernier clip de Taipan laissait penser qu'il voulait jouer avec le grand public. Son dernier statut facebook prouve plutôt qu'il veut jouer avec le feu.

Vendredi 16 mars. Sur leurs polos des impacts de balles forment leurs logos : excellent papier du magazine Vice sur le mythe des polos Brice dans le rap français de la fin des années 90. Et si le meilleur magazine de rap français était Québécois ?

Mardi 20 mars. Kery James a compris la pauvreté de la presse rap en France mais a encore des progrès à faire en communication : après s'être confié à Youssoupha lors d'une interview en trois parties, il s'adresse solennellement à ses fans dans une interminable vidéo où il apparaît seul devant un mur. Orelsan est programmé sur le festival Beauregard d'Hérouville Saint-Clair, ville dont il est originaire. Toujours utile d'avoir de la famille à la mairie. Wrung brouille les frontières entre freestyle vidéo et spot de pub. Malin.

Mercredi 21 mars. Bonne nouvelle concernant la prochaine mixtape de Grems : elle va sortir en physique. Mauvaise nouvelle : il faudra acheter Tsugi pour l'avoir.

Jeudi 22 mars. Après plus de 30 heures de siège, les forces de l'ordre pénètrent enfin dans l'appartement du tueur au scooter. Naja aurait réglé ça plus rapidement. Les Haters et les Cahiers du Cinéma l'avaient annoncé : Morsay assume encore un peu plus son personnage et part à la poursuite des illuminati sur Canal Street avant de donner une interview surréaliste à Mouloud. Et si on avait créé un monstre ? Confirmation enfin : Taipan et le grand public, c'était de l'intox.

Samedi 24 mars. Sur le plateau de Laurent Ruquier, Natacha Polony reproche a Youssoupha d'être trop bavard dans ses morceaux. On attend avec impatience qu'elle demande à un rockeur d'arrêter de jouer de la guitare.

Lundi 26 mars. « L'Etat est de loin le plus grand proxénéte, bon biz propre et net » [Sat, 1997]. « DSK mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée » [Libé, 2012]

Mercredi 28 mars. Zoxea découvre que l'industrie du disque est en crise. Suicide médiatique et politique de Didier Robert, président UMP du conseil régional de la Réunion, qui retire la subvention du festival Sakifo parce qu'il programme Orelsan, artiste qui appelle selon lui « à la haine, au viol, à la pédophilie ». Les joueurs d'orgue de l'île en profitent pour se placer discrètement. Pour la marche funèbre ?

Jeudi 29 mars. Alkpote découvre à son tour que l'industrie du disque est en crise mais se console aussitôt avec le dernier bon mot de Séguela, qui visiblement connaît ses classiques.

Vendredi 30 mars. Booba soulève 500 kilos de fonte.

Retrouvez les rapporteurs des mois de janvier et février. Rendez-vous en mai pour l'actualité du mois d'avril.

lundi 26 mars 2012

Areno Jaz - Alias Darryl Zeuja


Sa nonchalance et sa discrétion ont d'abord éclipsé son talent. Peu présent sur le premier EP de 1995 (La source), groupe avec lequel il est sorti de l'anonymat l'an dernier, Areno Jaz est longtemps resté dans l'ombre de ses camarades Nekfeu, Sneazzy West ou Alpha Wann, hyperactifs et plus à l'aise dans les médias et sur les réseaux sociaux. Aussi pouvait-on penser que la sortie de son EP solo en février dernier n'allait rien donner. On se trompait. Areno Jaz y raconte sa vie décousue de graffeur torturé sur des productions boom bap jazzy qui collent à son flow traînant. Il se paye même le luxe de trouver la recette du refrain parfait (« J'vends de la rime ») et d'inviter de talentueux inconnus (« Trouve moi » feat. NCA crew). Une émancipation surprenante qui force à écouter d'une autre oreille les couplets qu'il lâche sur La suite, très bon deuxième EP de son groupe sortie quelques semaines après le sien.

Chronique rédigée pour le magazine Pulsomatic du mois d'avril.




jeudi 22 mars 2012

Gangsters et gentlemen


Le meilleur du catch et le pire de la bande dessinée réunis pour le plus français des shows à l'américaine : ainsi pourrait-on résumer les performances improbables et délirantes des catcheurs à moustaches. Deux grandes feuilles de papiers, deux thèmes choisis par le public, un arbitre, quelques pom-pom girls, de l'encre, de la peinture, de la salive et du sang : voilà le contexte dans lequel ils tentent de remporter l'adhésion du public qui vote pour son catcheur préféré à la fin de chaque combat. Si la qualité des dessins est évidemment l'un des principaux critères, le charisme et les supers pouvoirs des héros masqués ont également leur importance. Ce qui justifie l'utilisation des coups les plus tordus sous les yeux d'un arbitre souvent corrompu. Catcheurs à la petite vertu donc mais surtout au grand coeur: leur prochain gala sera donné en soutien aux Requins Marteaux, maison d'édition spécialisée dans la bande dessinée.

Prochain gala de catch à moustaches ce samedi 24 mars à 21h à La Roche/Yon. Papier publié en version courte (avec un titre malheureusement... différent) dans le Pulsomatic du mois d'avril.